Aujourd'hui je préfère utiliser le terme " Interruption Naturelle de Grossesse " plutôt que "fausse couche". Cela me semble plus juste et respectueux pour décrire cette expérience difficile.
C’est une histoire que je n’ai comprise que bien plus tard.
Une histoire de perte sans conscience, de deuil sans mots.
Tout a commencé en novembre 2014 avec la naissance de notre troisième enfant.
Je vivais dans la douce euphorie de la maternité, marquée par l’allaitement et le rythme des nuits sans sommeil.
Mon retour de couches en août 2015 semblait être dans la norme, et avec l’allaitement, les irrégularités menstruelles ne m’inquiétaient pas.
Jamais, à ce moment, je n’aurais pensé que je portais à nouveau la vie.
En octobre 2015, pendant les vacances de la Toussaint, tout bascule.
Un jour, je commence à saigner, beaucoup. C'était anormal, démesuré.
Chaque serviette hygiénique de nuit ne durait qu’une heure, parfois moins.
Je changeais de tenue constamment, déposais des serviettes sur les sièges de voiture pour éviter les taches, me réfugiant aux toilettes aussi longtemps que possible pour limiter les dégâts.
Malgré tout, je continuais de gérer les activités de mes enfants, m'oubliant complètement.
Au fond de moi, quelque chose n’allait pas.
Pourtant, à aucun moment, l’idée d’être enceinte ne m’a effleurée l’esprit, encore moins celle de perdre un bébé.
Ce troisième post-partum devait expliquer ces saignements étranges, pensais je.
Peut-être que mon retour de couches d’août n’était qu’une fausse alerte ?
Prise dans le tourbillon du quotidien, j’ai appelé ma sage-femme.
Elle était en vacances, mais a pris le temps de me répondre, m’encourageant à aller aux urgences.
Je n’y suis jamais allée !!
Avec trois enfants à la maison, dont un bébé de 11 mois, je n’avais tout simplement pas le temps.
Mon épuisement s’accumulait, mais je l'attribuais au poids des vacances seules avec les enfants et à l’absence de soutien.
Je persistais, convaincue qu'il s'agissait d'un retour à la normale.
Je n'ai vu aucun médecin.
Ce n'est qu'en 2016, lorsque j’ai revu ma sage-femme, que cette période est revenue en mémoire.
J’ai minimisé les faits, affirmant que je m’étais affolée pour rien. Pourtant, quelque chose restait en moi, une question sans réponse, un doute enfoui.
En 2017, nous avons décidé d'essayer d’avoir un quatrième enfant. Rien ne venait. Alors que nos premières grossesses étaient venues rapidement, cette fois, chaque mois passait sans résultat.
J’ai commencé à être suivie par une gynécologue dans un autre centre, mais je ne mentionnais jamais l’idée d’une fausse couche.
Pour moi, ces mots n’avaient pas de sens, ils n’étaient pas liés à mon expérience.
C’est au printemps 2018 que le diagnostic est tombé : obstruction des trompes.
Ce médecin, que je voyais pour la première fois, a été brutal.
Sans même connaître mon parcours, il m’a dit que je ne pourrais jamais de ma vie avoir d’enfants. Le choc a été immense.
Nous avions déjà trois enfants merveilleux, mais ce rêve de quatrième nous habitait.
Et tout s’effondrait.
Personne ne comprenait comment j’en étais arrivée là après trois grossesses sans difficulté. Personne n'a cherché à comprendre plus profondément.
En juin 2018, j’ai subi une salpingoplastie pour tenter de réparer mes trompes.
Tout s’est bien passé.
Pourtant, voir ce petit ventre gonflé par le gaz utilisé pendant l’opération me rappelait douloureusement le début d’une grossesse, un espoir qui semblait alors si loin.
Un mois plus tard, nous avons entamé un protocole de stimulation, mais après deux cycles, nous avons décidé de tout abandonner, de faire confiance à la nature.
Et en novembre 2018, contre toute attente, j’étais enceinte.
Notre quatrième bébé est né en août 2019.
En juin 2020, ce bébé avait neuf mois. Neuf mois dedans, neuf mois dehors.
C’est à ce moment-là que la lumière s’est faite.
Lors d’un rendez-vous avec ma sage-femme, nous avons retracé ensemble mon parcours. Mon retour de couches en 2015, ces saignements intenses que j'avais ignorés, les trompes inexplicablement obstruées.
Et là, les mots sont tombés. J’étais enceinte en 2015 et j’ai perdu ce bébé sans jamais le savoir.
Un soulagement étrange m’a envahi.
L’histoire que je n'avais jamais pu comprendre avait enfin un sens.
Le silence autour de cette fausse couche avait pesé sur mon corps, sur mon esprit, sans que je m’en rende compte.
Mais maintenant, je pouvais enfin honorer cette perte.
Nous avons planté un arbre dans notre jardin, un hommage discret mais puissant à cet enfant que je n’ai jamais connu mais qui avait toujours fait partie de moi.
Cette histoire, mon histoire, m’a appris la force du déni, du silence, mais aussi du pouvoir de reconnaître et d’honorer ce qui a été.
Ce bébé, je l’ai perdu dans le chaos de la vie quotidienne, mais il a toujours été là, dans mon cœur, sans que je le sache.
Si cet article résonne en vous, si vous avez vécu une expérience similaire ou si vous traversez une période difficile liée à une perte, n’hésitez pas à en parler.
Il est essentiel de briser le silence autour des fausses couches et des pertes invisibles.
Parlez en à vos proches, consultez un professionnel, ou rejoignez des groupes de soutien pour partager votre histoire et vous libérer de ce poids.
Vous n'êtes pas seule. Ensemble, nous pouvons honorer nos parcours, nos douleurs, et nos espoirs.
Si vous avez besoin d'un espace pour échanger, je vous invite à commenter cet article ou à me contacter directement.
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